Catherine-Dominique de P�rignon
(1754-1804-1818)

mar�chal de l'Empire
comte de l'Empire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P�rignon en Lieutenant-Colonel de la L�gion des Pyr�n�es,
par Louis F�lix Amiel.

   

 

I. - L'HOMME ET SON CARACT�RE1

Voil� bien, malgr� d'ind�niables m�rites, la figure la plus p�le et la moins connue de la glorieuse phalange. Toute la vie de P�rignon tient dans la prise de deux places, le Mas-de-Serre et Roses. Pour le reste, c'est une sorte de soldat parlementaire ou administratif, qui passe son temps dans les loisirs des ambassades ou des gouvernements pacifiques.

Son cr�ne chauve, son visage ramass�, ses cheveux fris�s en ailes et faisant touffe en arri�re, ne lui procuraient d'ailleurs rien de martial dans l'aspect. Sa vue donnait l'impression de quelque chose de moyen, de bureaucratique, peu en rapport avec sa haute dignit�, et, m�me sous l'habit de mar�chal, il paraissait encore un diplomate ou un chambellan, mais nullement un soldat.

On le vit peu ; il n'encombra jamais, ne porta ombrage � personne, n'eut d'influence, de pouvoir et de prestige que ce qu'il en fallait pour obtenir le b�ton, - il en fallait d'ailleurs beaucoup - mais apr�s il dispara�t; toutes les grandes guerres se font sans lui. N'ayant rien � ajouter � son �tat, il semble se soucier peu d'ajouter � son m�rite. Il trouve assez garni son lit de lauriers, et il y dort de la meilleure gr�ce, en attendant qu'une �volution politique op�r�e � propos le rende pair, comte, marquis, et lui permette de recueillir, dans sa calme maturit�, le fruit d'une vie honn�te, o� il est juste de remarquer que les occasions de ne point l'�tre n'ont point �t� nombreuses.

Le mar�chal Perignon mesurait 1,70 m.

II. - SON ORIGINE ET SA JEUNESSE

N� d'une famille distingu�e par sa fortune et ses alliances, d'o� �taient sortis d�j� des capitouls de Toulouse et des officiers, Dominique-Catherine de P�rignon vint au monde, le 31 mai 1754, � Grenade, petite ville des environs de Toulouse.

Son origine lui donnait les plus grandes qualit�s pour s'introduire dans l'arm�e et y r�ussir. Aussi, une fois ses �tudes achev�es, entra-t-il comme lieutenant dans le corps des grenadiers royaux de Guyenne. Il y montra de l'activit�. Devenu aide-major, il perfectionna l'organisation de cette troupe, et, s'�tant retir� en 1783, il fut nomm� aide de camp du lieutenant g�n�ral comte de Preissac ; ce qui lui laissa toute sa libert�, � cause du caract�re purement honorifique de cette qualit�.

P�rignon est rattach� � la petite ville de Montech dans le Tarn-et-Garonne par son �pouse, H�l�ne-Catherine de Grenier, qu'il �pousa en 1786.  Il y est �lu lieutenant-colonel de la Garde Nationale en 1790, puis juge de paix du canton.

On trouve encore sa maison au coin du boulevard de la R�publique et de la rue Lafargue, o� ses armoiries ornent encore la chemin�e. Le pin que l'on trouve dans le parc, devant la maison a, para�t-il, �t� plant� par le Mar�chal.

 

 

 

Tandis qu'il vivait � la campagne, lisant beaucoup et faisant valoir ses terres, la R�volution �clata. Il en vit les premiers progr�s avec plaisir, mais il mettait dans son approbation comme en tous ses actes la plus circonspecte mod�ration.

En 1791, il fut envoy� � l'Assembl�e l�gislative, o� il retrouva Vaublanc, Pastoret et quelques autres imbus de ses id�es, avec lesquels il vota constamment.

Apr�s le 10 ao�t, les progr�s de cette R�volution, dont il avait fort go�t� le d�but, l'inqui�t�rent. Sur sa demande, il fut mis � la t�te d'une l�gion des Pyr�n�es, en vue d'une guerre imminente avec l'Espagne, et, au milieu de ces hommes venus comme lui des bords de la Garonne, qui le connaissaient et lui �taient d�vou�s, il remporta, le � juillet 1793, un brillant succ�s au Mas-de Serre, en escaladant les fortifications que les Espagnols venaient d'�lever. Charg� de commencer l'attaque, il s'�tait vivement port� avec l'avant-garde du c�t� de l'ennemi, avec mission de tenir bon jusqu'� l'arriv�e de l'artillerie. Les pi�ces � peine en batterie, P�rignon avance, appuy� par leur feu, et il semble d�j� ma�tre de la position, lorsque la cavalerie espagnole se d�masque, s'�lance et jette le d�sordre parmi ses compagnons. Les chasseurs � pied d�j� se dispersent. P�rignon les rappelle, les adjure de se rallier au nom de la France; mais la panique gagne de proche en proche, la d�route commence.

Alors, indign�, il prend des mains d'un bless� un fusil et des cartouches, puis va se placer parmi les grenadiers du r�giment de Champagne qui tiennent encore. L�, il fait le coup de feu comme un simple soldat et s'expose intr�pidement � la mitraille ennemie. A ce spectacle, les chasseurs, �mus de honte, se rallient d'eux-m�mes, et P�rignon, reprenant le commandement de   cette troupe d'autant plus exalt�e maintenant qu'elle rougit de sa reculade, s'�lance contre ces retranchements, culbute les Espagnols et remporte la victoire.

Une telle conduite lui valut le grade de g�n�rai de brigade.

En 1794, �tant g�n�ral de division sous Dugommier, il passa le Tech, enleva les retranchements de Montesquiou et de nouveau battit les Espagnols. Alors, sans balancer, il franchit les Pyr�n�es, balaya la route de Figui�res et, le 7 juin, remporta la victoire de la Jonqui�re, qui lui ouvrit les portes de Bellegarde.

Dugommier ayant �t� tu� � la bataille de la Montagne-Noire, les repr�sentants du peuple qui suivaient l'arm�e, et avaient �t� t�moins de la vaillance de P�rignon, le nomm�rent s�ance tenante g�n�ral en chef. Il jugea que ce changement de commandement ne devait en rien modifier la campagne. Aussi, continuant d'ex�cuter le plan dont Dugommier avait si bien r�alis� le d�but, il gagna, le 20 novembre, la bataille d'Escala, triomphe d'autant plus m�ritoire, que la lutte avait �t� rendue fort p�nible par les difficult�s du terrain et le nombre des ennemis.

Il voulut profiter de cet avantage, et en moins de six heures, gr�ce � l'admirable enthousiasme qu'il avait su inspirer aux troupes, il s'empara de nombreuses redoutes situ�es sur des montagnes escarp�es et d�fendue par cinquante mille hommes. Les r�sultats de ce coup d'audace furent prodigieux : deux cents pi�ces de canon demeur�rent en notre pouvoir, trois g�n�raux espagnols dont le g�n�ral en chef, comte de la Union, furent tu�s, et le fort de Figui�res se rendit avec toute sa garnison, plus de neuf mille hommes, qui furent prisonniers de guerre.

D�sireux d'en finir, P�rignon courut mettre le si�ge devant la ville des. Roses, que ravitaillait sans cesse une flotte espagnole command�e par un des premiers amiraux de la p�ninsule, et que d�fendait le fort de la Trinit�, sur- nomm� le Bouton de Roses. Ce fort, b�ti sur un roc � pic, passait pour inexpugnable et n'avait en effet jamais �t� pris. Une seule ressource semblait � la port�e des assi�geants : �tablir des batteries sur un rocher encore plus haut, encore plus escarp� que le fort, et qui le dominait. Du moins fallait-il mener de l'artillerie sur l'inaccessible plateau. Comme les ing�nieurs lui repr�sentaient l'impossibilit� de r�ussir une telle entreprise, il r�pondit simplement : � C'est aussi l'impossible que je veux. �

Aussit�t on taille dans le roc un sentier de trois lieues de long; les canons, d�mont�s, sont hiss�s avec des efforts inou�s ; on porte de m�me au sommet les boulets, les obus et les bombes, jusqu'� ce qu'enfin une solide batterie de vingt-quatre pi�ces soit �tablie sur le plateau.           

Aux difficult�s du terrain s'ajoutaient celles de la saison. La neige �tait   tomb�e en abondance ; des sentinelles avaient p�ri de froid ; d�j�, devant tant d'obstacles, des murmures s'�levaient parmi les troupes.

� Qu'on se tienne pr�t, dit P�rignon, demain, � 5 heures du matin je serai a la t�te des grenadiers, et, � 7 heures, j'aurai chasse l'ennemi des retranchements. �

L'�v�nement v�rifia cette assurance. Malgr� le feu de la ville combin� avec celui de la flotte, le Bouton de Roses fut emport�, apr�s un assaut digne des temps de la chevalerie et des croisades.

Pourtant, la ville elle-m�me restait � prendre. On en vint � bout avec quinze jours de tranch�e r�guli�re, en d�pit des doutes que nul ne se contraignait de formuler.

Ce fait d'armes fut l'apog�e de la gloire militaire de P�rignon y montra autant de sang-froid et de m�thode que de vaillance, et l'on peut en donner   une id�e, en rappelant qu'un jour, comme il �tait assis sur une pierre occup� � donner des ordres et � diriger une man�uvre, une bombe tomba si pr�s de lui, que la m�che allum�e br�la le pan de son habit. On lui cria avec effroi de s'�loigner; mais P�rignon, p�n�tr� de l'importance de l'exemple, en ce temps o� le d�couragement se dissimulait � peine, ne bougea pas d'une ligne. La bombe �clate avec un �pouvantable fracas; on accourt pour relever le cadavre du g�n�ral, et on aper�oit celui-ci dans la fum�e qui se dissipe, immobile, souriant et seulement couvert de terre.


P�rignon passe les Pyr�n�es et balaye la route de Figui�res.

Il n'en fallait pas tant pour r�veiller l'ardeur d'une arm�e de braves : la ville fut prise le 7 janvier 1795, et la paix sign�e le 22 juin suivant.

Ce fut le vainqueur m�me de Charles IV d'Espagne qu'on envoya comme ambassadeur � celui-ci, apr�s toutefois que P�rignon eut refus� d'aller commander l'arm�e de l'Ouest contre les Vend�ens.

La t�che �tait d�licate ; le roi pouvait trouver singulier qu'on lui impos�t le contact de celui qui venait de l'humilier si cruellement. P�rignon, par sa politesse et les �gards qu'il t�moigna au vaincu, dissipa si bien les pr�ventions, qu'il fut universellement regrett� lorsque Truguet vint prendre sa place en 1798.

Il passa de l� � l'arm�e d'Italie, o� il commanda une division sous Joubert. Malheureusement pour sa fortune, il arrivait dans un f�cheux moment. Engag� dans la funeste bataille de Novi (17 ao�t 1790), il y fut bless� et fait prisonnier. Les ennemis lui t�moign�rent d'ailleurs dans sa captivit� la plus grande consid�ration. Un officier russe s'�tant permis de lui dire en pr�sence du grand-duc Constantin : � Est-ce que vous pensiez conserver l'Italie? � et P�rignon ayant ripost� : � Est-ce que vous penseriez nous en avoir chass�s? � le grand-duc imposa s�v�rement silence � l'officier, tout en s'excusant aupr�s du g�n�ral de cette inconvenance.

Bient�t �chang�, il rentra en France, o� Bonaparte, devenu Premier Consul, l'accueillit tr�s bien, le nomma s�nateur et lui donna mission de d�terminer les fronti�res entre la France et l'Espagne.

10, rue du Berry � Paris, H�tel particulier du Mar�chal P�rignon

 

III - SA CARRI�RE SOUS L'EMPIRE ET SA MORT

La vie de P�rignon n'est plus gu�re compos�e d�s lors que d'une longue suite d'honneurs qui s'encha�nent les uns aux autres, le m�nent de cour en cour et de pays en pays.

En 1804, il est nomm� s�nateur de Bordeaux, mar�chal de l'Empire, grand officier de la L�gion d'honneur. Un peu plus tard, il devient comte, puis gouverneur de Parme et de Plaisance, o� il ne laisse que des souvenirs de bienveillance et de probit�. En 1808, quand Murat a succ�d�, sur le tr�ne de Naples, � Joseph Bonaparte, il va commander les troupes fran�aises demeur�es dans le midi de l'Italie.

Murat le combla de faveurs et en fit un grand dignitaire de son nouvel ordre des Deux-Siciles.

Toutefois il est juste de reconna�tre que P�rignon manifesta la plus grande indignation lorsque le roi de Naples se pronon�a contre la France en 1814.Il s'en s�para avec �clat et vint faire sa soumission � Louis XVIII, qui le nomma chevalier de Saint-Louis, puis commissaire extraordinaire pr�s la 1�re division militaire. Il fut ensuite pair de France et membre de la commission charg�e de v�rifier les titres � la faveur royale des anciens officiers �migr�s.

Comme P�rignon se trouvait dans ses propri�t�s, pr�s de Toulouse, lors du retour de Napol�on, il se h�ta d'offrir ses services au duc d'Angoul�me quand ce prince passa par Toulouse, marchant contre Napol�on en route pour Paris.

Le duc le nomma aussit�t gouverneur de la 10e division militaire, et il venait d'entrer en fonctions, quand le g�n�ral Delaborde se pr�senta avec des pouvoirs de l'empereur pour offrir � P�rignon de revenir aupr�s de lui. Les troupes ayant arbor� le drapeau tricolore, et Delaborde ayant fait arr�ter et conduire � Paris M. de Vitrolles, qui avait des pouvoirs du roi, le mar�chal refusa de servir Napol�on et se retira dans ses terres jusqu'au second retour de Louis XVIII.

Il devint alors, en r�compense de sa fid�lit� � la cause royale, gouverneur de la 1�re division militaire � Paris et grand-croix de Saint-Louis avec le titre de marquis.

Le mar�chal marquis de P�rignon est mort de maladie le 25 d�cembre 1818 et a �t� solennellement enterr� au cimeti�re du P�re-Lachaise, o� il repose dans la 24e division.

 

 

 

 

 

P�rignon

 

 

M. le 25 d�cembre 1818.

Son c�ur repose cependant dans un petit mausol�e en forme de chapelle dans le parc de sa r�sidence de campagne � Finhan (Tarn-et-Garonne) � 5 km au sud de Montech.

 

IV. � JUGEMENT DE NAPOL�ON

On ne poss�de pas de jugement explicite de Napol�on sur le mar�chal de P�rignon. Toutefois, les marques d'estime dont l'empereur l'a honor� � l'occasion, l'offre m�me qu'il lui fit, en 1815, de reprendre du service aupr�s de sa personne, t�moignent qu�il avait pour le vainqueur de Roses la plus flatteuse estime, en m�me temps que la plus grande confiance dans son m�rite.

 

�TATS DE SERVICE DE DOMINIQUE-CATHERINE DE P�RIGNON
N� LE 31 MAI -1754, A GRENADE (HAUTE-GARONNE)

GRADES, CORPS ET DESTINATIONS
Sous-lieutenant au bataillon, garnison de Lyonnais, 18 ao�t 1784 ; r�form�, 20 mars 1791 ; lieutenant-colonel � la l�gion des Pyr�n�es, 16 septembre 1792; chef de brigade, 28 juillet 1793; g�n�ral de brigade,I793 ; g�n�ral de division, 25 d�cembre 1793 ; membre du conseil des Anciens, ambassadeur en Espagne, de 1795 � 1797 ; commandant en chef l'arm�e des c�tes de Brest, 15 septembre 1799 ; s�nateur, 15 avril 1801; mar�chal de l'Empire, 19 mai 1804 ; gouverneur de Naples et commandant l'arm�e dans le royaume, 23 juillet 1808; gouverneur de la 10e division militaire, en 1815; pass� gouverneur de la 1�re division militaire, 10 janvier 1816. D�c�d� � Paris, 25 d�cembre 1818.

CAMPAGNES
Aux arm�es des Pyr�n�es, sur les c�tes et en Italie.

D�CORATIONS
ORDRE DE LA L�GION D'HONNEUR

Chevalier, 2 octobre 1802 ; grand-officier, 14 juin 1804; grand-croix, 2 f�vrier 1805.

ADDITION AUX SERVICES ET D�CORATIONS
Comte, 1811 ; pair de France, 1844; chevalier de Saint-Louis, 1814 ; commandeur de Saint- Louis, 1816; marquis, 1817.

 


Texte : d'apr�s de Beauregard, G�rard, Les Mar�chaux de Napol�on, Mame, Tours, s.d. (1900).

 

 


Collection Hachette : Mar�chaux d'Empire, G�n�raux et figures historiques (Collection de l'auteur)

Retour � la page Mar�chaux

Retour � la page d'accueil

� D. Timmermans

OSZAR »